a rhapsody for you and me (ishblair)

Blair n’avait pas d’oreille. Aucune prédisposition pour la musique. Il jouait paresseusement du piano depuis sa plus tendre enfance - à la demande de sa défunte génitrice - et était incapable de chanter autrement qu’après un certain nombre de bières, devant un écran de télévision où se jouait une quelconque rencontre sportive. Son répertoire se composait de l’hymne national et de quelques chansons paillardes qui irritaient ses parents, comme ceux de la plupart des jeunes de son cercle. Il n’avait pas vu un orchestre comme celui qui se dressait face à lui depuis de très nombreuses années. Pourtant, il avait assisté à des concerts aux quatre coins du globe. Parfois d’artistes reconnus par ses pairs et tantôt dans le cadre de véritables cérémonies sacrées, si différentes et si pures en comparaison avec l’industrie musicale des pays dit développés… Appuyé contre le mur au niveau de l’une des entrées de la salle, à l’abri des regards qui se focalisaient sur les instruments et/ou la jeune femme aux commandes, il écoutait distraitement le spectacle qui s’offrait à lui. Blair n’était pas là pour la musique. Pas plus que pour le plaisir. Il avait une mission. Importante à ses yeux. Ainsi le trentenaire attendit patiemment que la répétition se termina pour s’approcher de la scène, frappant de façon ubuesque dans ses mains alors qu’il ne se trouvait plus qu’à quelques mètres de son objectif : “Brava!”, articula-t-il, son enthousiasme presque complètement feint mais, la lueur d’amusement dans son regard, face à son propre ridicule, véritable. Blair savait à quel point il pouvait paraître charmant lorsqu’il prenait la peine de sourire. Tout comme il avait conscience qu’il aurait besoin de ses meilleures armes, s’il souhaitait arriver à ses fins. Et il se devait d’y arriver.

Ishbel s’était longuement préparée, à l’image de tous les jours. L’apparence impeccable, toujours tirée à quatre épingles : rien n’était laissé au hasard. La silhouette galbée par ses hauts talons, les couleurs claires et les tenues féminines, élégantes, c’était un bijou de féminité, Ish. La tignasse ébène lissée, raide et son minois sublimé par quelques touches de maquillage, elle se trouvait divine, Ishbel. Son chauffeur l’avait ensuite conduite jusqu’au conservatoire où une petite répétition l’attendait. Son instrument fétiche dans une coque, bien protégé, la brune passait la porte de l’immense salle et prenait place au sein de la foule. Installée sur un côté, en raison du statut unique de son instrument, la Princesse n’échangeait avec personne, non. Elle se fichait royalement des autres, qu’ils soient importants dans la société ou tout bonnement inexistants, la brune n’avait jamais fait dans le social : ceci ne changerait pas. L’autoharpe contre son buste, Ishbel suivait à la lettre ses partitions, jetant des regards au chef d’orchestre. Ish, elle avait toujours rêvé d’être à sa place, alors, parfois, on lui laissait l’occasion de diriger la troupe. C’était une sensation que la petite n’oublierait jamais : les regards rivés sur sa personne, sans qui tout le monde s’effondrerait. Alors, une fois n’était pas coutume et elle se surprenait à rêver, à se voir à la place de l’homme à la baguette, tandis que la répétition s’arrêtait. Ce fut l’affaire de quelques minutes pour que la salle se vide et qu’il ne reste que quelques musiciens en herbe. Ish, elle prenait le temps de s’approprier les partitions, de prendre soin de son instrument, bien qu’une voix connue la tirait hors de ses pensées. Les prunelles se levaient et la précieuse foudroyait du regard Blair. « Que veux-tu ? » Elle avait le ton froid, le regard méprisant, parce qu’elle détestait qu’on la dérange lorsqu’elle était dans ses pensées, encore plus lorsqu’il s’agissait de gagner des points auprès de sa (divine) personne.