nell --- on prend des notes.

Ishbel aimait les soirées comme celle de ce soir. Les préparations qui précédaient les présentations des nouvelles jeunes femmes de la noblesse étaient toutes aussi plaisantes que la soirée en elle-même. Avec Liv et Nell, elles s’installaient sur une estrade : l’occasion pour les trois demoiselles de juger le comportement de celles qui souhaitaient rejoindre leurs rangs. La plus critique était toujours Ishbel : avec son regard glacial et impénétrable, elle jugeait chaque détail (le défaut d’avoir le souci du détail, d’être perfectionniste) : la brune ne laissait rien passer. Elle avait revêtit une belle robe de créateur et des spécialistes s’étaient déplacés jusqu’à la demeure familiale dans le but de rendre justice à cette gueule d’ange. La tignasse ébène ondulée et le teint sublimé par quelques touches de maquillage, la Princesse avait été emmenée en voiture sur le lieu de l’événement. Elle prenait son rôle très au sérieux et personne ne la détournerait de son objectif : trouver l’élite pour agrandir leurs rangs. Nombreuses étaient les jeunes filles qui craignaient Ishbel et ses propos cruels, ses remarques cinglantes : elle jouissait d’une autorité qu’elle n’avait pas chez elle. Alors, cela expliquait bien le fait qu’elle en profite un maximum, quitte à tyranniser et rabaisser la plupart des prétendantes. Elle s’estimait au-dessus des autres, la belle et cela se voyait dans sa démarche de mannequin, sûre d’elle, confiante, Ishbel ne laissait personne lui prendre la place ni briller autant que sa propre personne. Ainsi arrivée, Ishbel prenait place sur un des fauteuils et adressait un sourire aux deux jeunes femmes : un de ces sourires exagérés, hypocrites. « Que vous êtes belles. » Affirmait Ishbel en croisant ses jambes. « Êtes-vous prêtes ? »

Sa broche en forme de rose accrochée au niveau de sa poitrine, Ishbel s’asseyait lentement sur ce fauteuil de velours, balayant ses jambes sur le côté. Elle regardait ensuite les deux femmes, avec un sourire faux, mais d’apparence si sincère : elle savait bien manier les apparences, Ishbel, ne se laissait jamais avoir par les attitudes masquées des autres. À ce titre, elle lançait un compliment à ses deux partenaires, sans en penser un mot : l’on savait que les relations étaient assez tendues, mais elles faisaient toujours bonne figure face aux autres, à l’adversité. Avec sa tenue de veuve noire, Ishbel avait tout l’air d’une fleur dangereuse, aux ronces acérées. C’était le cas, toujours sur la défensive, avec son rictus narquois aux lèvres, cette sorte de poison aux lèvres. « Tu sembles tendue, love. » Qu’elle murmurait à l’encontre de Nell, se tournant finalement face à la salle qui se remplissait. Le buffet avait toujours l’air appétissant et certainement que son attention était plus dédiée aux mets qu’aux demoiselles qui se préparaient pour la danse d’ouverture. « Peut-être que ta robe est trop serrée. » Enchaînait-elle, un rire discret, ponctuant son pic suite à la tension qui émanait de Nell. Se préparait-elle à la future querelle ? Celle habituelle lors de ce genre d’événement ? Parfois, Ishbel se sentait soulager à l’idée qu’elle ne tarderait pas à se fiancer, qu’elle n’aurait plus à fréquenter les deux poupées, en dépit de la popularité supplémentaire que lui avait apporté le cercle. Elle en ferait encore partie, pourrait donner des conseils, mais y consacrerait moins de temps. La musique finissait par résonner et les jeunes femmes se prêtaient au jeu, dans leurs tenues et ondulations précieuses, sous le regard intransigeant d’Ishbel. Quelques minutes seulement et la première prétendante se présentait face aux rapaces. « Identité, âge, lieu de naissance, situation familiale, emploi ou études, passions. » Qu’Ishbel demandait en sortant son stylo pour prendre des notes, laissant vagabonder son regard sévère sur l’apparence qu’elle notait également. Et ce serait la même phrase à la trentaine de demoiselles qui attendaient.