revbel --- the crown remains.

Ishbel, elle était d’humeur à semer le chaos, aujourd’hui. À dire vrai, son humeur ne variait pas de jour en jour : elle se montrait toujours plus détestable. Reine du campus, elle se pavanait avec celles qui la suivaient comme son ombre, un rictus en coin. Ses talons aiguilles frappaient le bitume, le carrelage, le parquet, démarche impériale d’une demoiselle se croyant tout permis, mais qui au fond, souffrait d’une profonde solitude. Être haïssable lui permettait de se protéger, de ne montrer aucune faille et de se sentir invincible : une femme qui s’ignorait, en soit. Ses parents exigeaient l’excellence, alors, ils avaient façonné leur petite de manière à ce qu’elle ne dévie pas, qu’elle fasse briller la famille à son tour. Sa place au conservatoire et ses études permettaient à la demoiselle de faire le bonheur de ses parents, malgré la distance qu’ils imposaient entre eux et elle. Rien n’allait chez les McNeil, mais l’on mettait un point d’honneur à ce que l’on reste dignes et soudés face à la presse : une faille et ce serait la porte ouverte aux rumeurs, capables de destituer une famille. Alors, dans les couloirs de l’université, Ishbel se laissait aller et ne se taisait pas, contrairement à sa vie dans l’enceinte familiale. Les cours achevés, la brune prenait le chemin du retour, bien qu’une silhouette au loin attirait son attention. Elle n’était pas habituée à fréquenter l’enceinte verdoyante de l’université, encore moins le parc, mais son penchant pour la provocation lui suffisait à faire le déplacement. Une risette venait étirer ses lèvres, de celles qui ne montraient rien de bon et celle-ci s’approchait, tout en faisant face à Revlon. « Tu peux me remercier d’embellir ton paysage. » Qu’elle pestait en croisant ses bras sur sa poitrine, plongeant son regard brun dans celui de son prétendant. Elle avait un sourire plein de vices, Ish, la chevelure balayée par une petite brise diffuse.

Il écoutait attentivement son professeur tant dit ce que celui-ci déblatérait sur une théorie loufoque quand la sonnerie retentit dans l'amphithéâtre. Immédiatement, tous les étudiants se ruèrent vers la sortie la plus proche d'eux. Revlon lui prenait son temps empilant soigneusement ses affaires dans son sac, il ne le faisait pas par maniaquerie, mais simplement pour agacer son ami, le seul, qui patientait bruyamment à ses côtés. « Bouge toi, merde. » lanca Eden si fort que leur professeur jeta un oeil dans leur direction. Revlon ricana et finit par se lever, la hanse de son sac à dos sur une épaule, son carnet d'étude dans la main. Bien que Rev ait toujours été un solitaire, il avait depuis quelques années hérité d'Eden Collins comme compagnon. Eden était ce qu'on appelait dans sa famille un nouveau riche, une vermine que les gens du rang de Revlon prenaient un malin plaisir à écraser. Revlon n'avait jamais fait de distinction entre réels héritiers et ceux fraîchement débarqués. Et pour cause, il ne se mélangeait avec personne. Il n'avait aucun ami et le désir de s'en faire ne faisait que réduire avec les années. Oh bien sûr, il savait faire semblant. Mais avec Eden ce n'était pas comme ça, ce n'était pas factice. Revlon était tenté de dire qu'il l'appréciait et ça grâce à une chose : il débordait d'intelligence. C'était la seule chose qui ne laissait pas chez les autres le garçon totalement indifférent. 

Dans les couloirs de la faculté, ils se firent apostropher par une jeune femme et Eden trop heureux d'avoir une autre occasion de draguer se laissa prendre dans une discussion. une super soirée, alcool à volonté. furent les seuls mots qu'il capta tant dis ce qu'il jetait un oeil sur son téléphone préférant feindre un intérêt pour l'écran bleu, mais la discussion s'éternisait trop et Revlon finit par donner un coup de coude à Eden mettant fin à leur passionnant échange. En partant la jeune fille glissa ses ongles longs sur le bras nu de Revlon. « J'espère te voir à la fête. » susurra t-elle d'une voix chargée de promesse. Rev afficha un air dégoûté et retint un frisson alors qu'ils se dirigaient vers le parc où ils avaient l'habitude de se poser. Ce qui provoqua l'hilarité de son ami qui secouait la tête. « Tu sais ce qui te détenderait, mon pote? » Celui-ci ne prit pas la peine de répondre, le ton suggestif de son colocataire répondait déjà à sa question et il refusait de se lancer sur le sujet. De plus, il détéstait qu'il lui donne du mon pote, parfois même du frangin. Mais Eden se fichait complètement du mutisme de Revlon et continua sur sa lancée. « Le sexe. » Le blond roula des yeux évidemment préparé à cette réponse, et lui jeta un coup d'oeil exaspéré alors qu'il glissait à terre pour s'adosser contre un arbre. « Je te jure ! » cria t-il les bras tendus comme s'il attendait que quelqu'un tombe dans ses bras, un sourire qui semblait coller en permanence au visage. Puis sans prévenir, il tourna les talons et s'en alla. Revlon aurait pu lui demander ou est-ce qu'il allait, mais les gestes toujours plus thêatraux d'Eden ne l'intéressaient en fait pas vraiment, il l'observa devenir une ombre avant de décider que lui resterait encore ici quelques heures pour réviser.

Il enfonçait juste ses écouteurs sans fil dans ses oreilles quand il aperçut une silhouette familière. Il jura dans sa barbe et jeta un oeil vers le parking, peut-être aurait-il le temps de s'enfuir? Hélas, il savait qu'il devrait affronter la jeune Ishbel bien assez tôt et d'un soupir, il abandonna l'idée de se relever pour disparaître. Il se contenta de sortir son carnet de notes et de gribouiller des calculs qui n'avaient pas vraiment de sens dans l'espoir qu'elle le trouve trop occupé pour engager la discussion bien qu'il sache déjà que rien n'arrêtait jamais cette fille. Il ne leva pas les yeux vers elle quand elle plante ses talons hauts dans l'herbe fraîche à deux centimètres de ses pieds à lui. « Tu peux me remercier d’embellir ton paysage. » dit-elle en croisant les bras sur sa poitrine. Il se mordit les lèvres et s'évertua à compter jusqu'à cinq avant de laisser un sourire factice se peindre sur son faciès. « Merci. » dit-il en daignant enfin la regarder. Dans cette position, elle semblait grande et lui trop petit, il hésita un instant à se remettre sur ses pieds, mais, il préféra se laisser mener après tout n'était-ce pas là, la beauté d'un mariage réussi? Il se devait de s'entraîner pour le jour J. « Où sont tic et tac? » lui demanta-il sans oublier de continuer à sourire, il faisait référence aux deux filles qui semblaient sans arrêt sur son dos, mais il n'avait pas besoin de le lui préciser. « N'avez vous pas des choses à faire? Robe de gala à saboter? Ragots à échanger? Portée de chatons à tuer? »

Ishbel, elle avait conscience que l’on se bousculait à ses pieds dans l’espoir de pouvoir profiter de la richesse de sa famille. Les alliances étaient nombreuses lorsqu’on tenait les désespérés par le bout du nez, les attirant avec des liasses comme un âne avec une pomme, un cheval avec de l’avoine ou du foin. Alors, la position d’Ishbel était alléchante, profitable, assurément, pour celle qui aimait le contrôle, manipuler ses pantins avec les ficelles enroulées autour de ses phalanges. La risette mauvaise aux lèvres, poupée hautement machiavélique, elle faisait virevolter sa tignasse d’un coup de poignet précis : l’on sentait le calcul dans chaque geste. Résidus d’éducation stricte, tirée à quatre épingles, Ishbel ne prenait pas un chemin vertueux et à n’en pas douter, elle en paierait le prix d’ici quelques temps. Pour le moment, il n’y avait aucune ombre au tableau : personne pour oser défier la terrible Ishbel, la belle et somptueuse héritière McNeil. Bientôt, son nom ferait la une des tabloïds lorsqu’elle aurait choisi son fiancé : deux familles à sauver, cela donnerait une image positive à sa famille, ceux qui sauvaient les autres, au lieu de les dénigrer. Quelle bonté d’âme. Ishbel, elle ne voulait pas épouser quelqu’un dont la richesse oscillait, manquait de décliner avant de s’éclipser. Le simple fait de les sauver lui faisait quelque chose à l’égo, oui, mais elle voulait profiter, Ish, être entretenue, en dépit de sa force de caractère, persuadée qu’elle porterait la culotte dans les deux cas. À ce titre, elle ne pouvait pas ignorer Revlon au loin (même si c’était ce qu’elle faisait habituellement), Ishbel se sentait d’humeur à le provoquer, à le piquer, pour voir ce qu’il avait dans le ventre. Au-delà de son expression glaciale et son indifférence, Ish, elle pensait trouver quelque chose d’intéressant : comme un sandwich qui n’était pas transcendent au premier croc, le meilleur étant caché au centre. Se plantant devant lui, impériale, impératrice perchée sur des aiguilles, son sourire s’intensifiait lorsqu’il notifiait l’absence de ses ombres. « Je ne vois pas de quoi tu parles. » Odieuse poupée, elle n’accordait aucune importance à celles qui lui collaient aux basques, en espérant rejoindre les rangs des filles nobles, celles qui en valaient la peine. Les autres n’existaient pas, pouilleuses. « Un prétendant à tourmenter. » Qu’elle susurrait en penchant son visage vers le sien, attrapant le carnet brutalement, pour l’empêcher d’être distrait lorsqu’elle lui parlait. Dans l’élan, Ishbel envoyait au loin l’objet et prenait place à ses côtés, dégageant ses jambes sur le côté en déposant ses mains contre celles-ci. « Dis-moi, à part être ennuyant, quelles sont tes spécialités ? » Qu’elle demandait en plantant son regard noisette dans le sien, bien décidée à le malmener.

« Un prétendant à tourmenter. » susurra t-elle en se penchant vers lui. Pourquoi les gens devaient-ils se rapprocher autant des autres quand ils avaient une conversation? Le garçon détéstait cela, bien que son visage soit à une dizaine de centimètres de la jeune femme, il pouvait presque sentir son parfum. Et avant qu'il n'ait eu le temps de s'en rendre compte, la jeune femme fut plus proche encore. Elle lui vola d'une main de maître son cahier de notes et sans même l'observer se décida à le balancer comme un vulgaire frisbee. Revlon était sidéré si bien qu'il se contenta de regarder l'objet échouer à quelques mètres d'eux tant dit ce qu'elle s'installait à ses côtés comme si ça avait toujours été sa place. Il finit par tourner les yeux vers elle ne pouvant croire qu'elle ose le provoquer d'une manière aussi immature. « Je te reconnais bien-là Ish, une gamine capricieuse n'aurait pas fait mieux. »  Il fit claquer sa langue contre son palais, passa sa main dans ses cheveux et laissa ses yeux traîner partout sauf sur elle, il tenta de calmer le sentiment de colère qui montait en lui. La réputation de Revlon, ce surnom ridicule de prince de glace n'avait pas été construite sur des fondations fragiles, le garçon était bon, voir excellent quand il s'agissait de cacher ce qu'il ressentait du moins quand il s'autorisait à ressentir. Et il ne s'agissait pas seulement d'amour ou d'affection, mais toutes autres émotions. Il ne laissait jamais rien paraître, si bien qu'il ne fut pas surpris qu'elle le qualifie d'ennuyant après tout qui aurait envie de passer du temps avec quelqu'un qui n'affiche jamais un sourire? 

Il finit par se tourner vers elle. « Je suis assez bon pour me venger. » dit-il à voix basse, il ne voyait pas l'intérêt de parler plus fort que ça alors qu'il pouvait sentir sa cuisse frôler la sienne par intermittence. Il pointa distraitement le carnet de notes du doigt. « Dis-moi princesse, quelles sont les choses auxquelles tu tiens? » demanda t-il dans l'espoir malsain d'en détruire une ou deux. Il ne soutint pas son regard. Pas parce qu'il ne pouvait pas, ils auraient bien pu rester planter l'un face à l'autre les yeux verrouillés pour voir lequel des deux craqueraient le premier, mais parce qu'il était las de cette discussion qui ne faisait que lui faire penser à ce qui devrait bientôt se produire. Une union. Un mariage qu'il ne souhaitait guère avec une gamine capricieuse. Ses parents bien que très vieille école n'avaient jamais exprimé le souhait qu'il épouse quelqu'un avant ses trente ans, ils le connaissaient suffisamment pour savoir qu'en temps normal ça ne serait jamais arrivé, mais l'argent commençait à vraiment manquer et il fallait règler cela avant que leur réputation ne soit entachée. Revlon se refusait à perdre sa couronne, elle pesait lourd sur sa tête, mais ce poids était une bénédiction. 

« Es-tu venue jusqu'à moi pour me proposer de t'accompagner au gala de charité de vendredi soir? » l'esquisse d'un sourire narquois se dessina sur ses lèvres. « J'ai déjà accepté d'y aller. Je n'avais pas prévu d'être accompagné, mais si tu y tiens. » dit-il. « Tes parents seront ravis. » Les géniteurs d'Ishbel adoraient Revlon ce qui il en était sûr agaçait prodigieusement la jeune femme.

Elle eut un rire, Ishbel. L’on entendait peu souvent cette mélodie, mais elle savait rire et plaisanter, Ish, même s’il n’y avait que des méchancetés qui sortaient de sa terrible bouche. Chaque propos semblait être des menaces, des sentences, qu’elle se plaisait à faire résonner. Alors oui, la brune se croyait tout permis et elle n’avait pas foncièrement tort dans son comportement puisque personne n’osait lui dire quoi que ce soit. L’on craignait ou méprisait Ishbel, qui elle, n’avait rien d’autre que de la haine dans son cœur. Dans son monde d’or massif et de tissus luxueux, l’on avait appris à Ishbel que l’amour n’avait que très peu de place, qu’il s’agissait de mordre avant de se faire mordre, de se montrer toujours forte, sinon, ce serait la porte ouverte aux vautours, aux rapaces. Ainsi, la belle mettait un point d’honneur à toujours être irréprochable et tout bonnement odieuse, pour que personne ne puisse atteindre la forteresse imprenable qu’elle incarnait. Conditionnée et façonnée à l’image de ses parents, Ishbel n’avait rien connu d’autre et de ce fait, il était légitime de penser qu’elle serait tout bonnement bouleverser dans un environnement inconnu : sortir de sa zone de confort n’était pas une chose avec laquelle elle était habituée ou même à l’aise. C’est pour cette raison que la présence de deux hommes pour elle la mettait dans l’embarras, même si cela ne se voyait pas, elle ne savait pas encore comment choisir un futur mari. Encore vierge et célibataire depuis toujours, c’était le secret d’un mariage qui marchait, qu’ils disaient, mais Ishbel n’était pas non plus à l’aise avec l’idée qu’un inconnu puisse mettre ses mains sur elle, contre sa peau sacrée, le soir du mariage. Si les mœurs des familles nobles étaient discutables et fermées, Ishbel se sentait parfois comme un objet, mais ce genre de pensée n’avait guère sa place, alors, une énième fois, elle occultait ses ressentiments pour satisfaire les géniteurs. De ce fait, elle faisait également l’effort d’aller vers les prétendants, de s’intéresser à eux, même si le cœur n’y était pas et qu’au contraire, Ishbel préférait les malmener pour prouver son désintérêt, alors qu’il en était tout autre. À en juger le carnet envoyé comme un frisbee, Ishbel prenait son rôle à cœur, à coup de gaucherie et de cruauté, ignorant s’il était attaché ou non à ce bloc de papier. « C’est vrai ça ! » Qu’elle s’exclamait, d’un ton surjoué, en croisant ses propres doigts sur ses jambes. « Je ne te savais pas drôle. » Elle se foutait de sa gueule, Ishbel, cela se voyait et elle ne faisait aucun effort pour changer son attitude de gamine provocante, donnant sans arrêt des coups de pied dans les autres. Ishbel se tenait proche de lui, suffisamment pour donner l’impression d’une conversation profonde et intéressante, tandis que la poupée diabolique comptait les minutes. « Te venger ? Voyons, tu as tout l’air d’un agneau coincé. » Sa bouche renfermait tant de cruauté que l’on pouvait bien se demander d’où provenait cette répartie imbuvable. Un coude pressé sur sa cuisse, Ishbel déposait son visage à l’intérieur de sa main. Venus, le tour du gala et un frisson désagréable traversait son échine, lorsqu’elle constatait une nouvelle fois que le jeune homme était apprécié par ses parents et qu’ils préféraient discuter avec lui, plutôt qu’avec elle. Blessée, elle gardait contenance, en dépit du silence qui la prenait. Finalement, après quelques secondes, Ishbel affichait un sourire courtois. « Je peux te faire l’honneur de t’accompagner. » À n’en pas douter, la belle serait présente pour embellir le jeune homme et pas l’inverse, bijou que l’on adoptait régulièrement pour la gloire. « Faisons ça. » Et ses prunelles claires finissaient par se détourner du jeune homme, regardant à nouveau l’horizon alors qu’au fond d’elle, le ciel grondait, les éclairs détruisaient la voûte : jalouse, envieuse. Il avait réussi à la toucher, Revlon, même si son minois ne laissait rien passer.

Les galas de charité. Une invention qu'il ne faisait que haïr un peu plus avec les années qui passaient. La haute bourgeoisie qui se réunissait pour une cause noble. Pure connerie. Ils ne se souciaient pas réellement du sort des pauvres ou des minorités, mais ils essayaient de se donner bonne conscience pour les autres. Il était mal vu de ne pas se présenter à ce genre de soirée si vous y aviez été convié, mais malheureusement, il ne suffisait pas de se pointer et de signer un chèque. Il fallait porter un beau costume, offrir des sourires, échanger quelques mots. Cette partie de la population se nourrissait autant d'argent que d'hypocrisie. Les parents de Revlon mettaient un point d'honneur à ce qu'il les accompagne à chaque fois. Ils aimaient cette notion de famille unie même si ce n'était que calomnie. Le blond devrait encore une fois jouer les fils aimant même auprès de son paternel qu'il ne pouvait plus supporter, mais cette fois en plus d'exiger sa présence à l'événement mondain du mois. Il lui avait fortement conseillé de faire la cour à la jeune Ishbel. 

Rev avait vu le visage de ses parents se détendre complètement quand ceux d'Ishbel avaient évoqué un mariage arrangé. « Ils se ressemblent tellement tous les deux. » Le blond aurait aimé pouvoir nier, mais il était vrai qu'à ne pas y regarder de trop près, les deux jeunes héritiers avaient des similarités. Il savait aussi que ce n'était pas vraiment un compliment, mais plutôt un constat à cause de ce côté froid voire glacial qu'ils dégageaient tous les deux. Il imaginait que madame McNeil avait peur que sa fille ne trouve jamais personne d'elle-même, il était vrai que si les hommes avec un caractère comme celui de Revlon pouvait être qualifié de mystérieux et donc attiré quelques idiotes désireuses. Les femmes comme Ish qui donnait l'impression de prendre plaisir à faire souffrir étaient moins appréciées. Rev avait très vite noté un shèma commun au milieu de tous ses confrères, ils aimaient les femmes qui ne feraient pas une vague, celles qu'on pouvait manipuler au moins dans les espaces publiques. Celles auprès de qui il pourrait passer pour des hommes forts, utiles à quelque chose. S'il y a bien une chose qu'on ne ressentait pas quand on était près d'Ishbel c'était bien le sentiment d'être quelqu'un de puissant. Elle se suffisait à elle-même n'avait pas besoin d'un crétin arrogant pour lui montrer ce qu'elle valait. Il aurait pensé que ça rendrait les parents de la jeune femme fiers, mais il paraissait que c'était plutôt l'inverse. 

Revlon avait été dur à convaincre, il avait refusé pendant des semaines de se marier même si c'était sous prétexte que ça allait sauver le bateau qui coulait. Ses parents avaient fait dire aux McNeil qu'il réfléchissait, qu'il fallait du temps pour prendre une telle décision. Réfléchir, mais bien sûr. Il roulait des yeux rien que d'y penser, il avait finalement décidé de se laisser convaincre quand son père lui avait mis sous le nez toutes les choses qu'il perdrait. Les voitures, les costumes, les montres, mais aussi son matériel de petit génie, les télescopes, les maquettes, le sous-sol amenagé pour ses expériences. Et pire que tout, son statut. Il faudrait recommencer presque à zéro, être en bas de l'échelle. Oh, peut-être pas pour longtemps après tout Revlon était un esprit brillant, il obtiendrait une bourse pour finir ses années de faculté et il gagnerait un bon salaire. Mais ça ne serait jamais ce qu'il avait eu, il devait bien l'avouer, il était vaniteux et matérialiste l'idée de devoir tout abandonner lui filer la migraine. Presque autant que l'idée de se marier avec la jeune fille qui trônait actuellement à côté de lui. Il se demandait combien de temps la famille McNeil avait donnés à Ish pour choisir un prétendant définitif, Revlon n'avait aucune envie de flirter avec elle, il ne voulait pas lui faire croire d'une quelconque manière qu'il l'appréciait, mais il n'avait plus le choix. Il ne pouvait décidément pas laisser un fabricant de bateaux de pêche rafler le pactole. Même si celui-ci venait emballer dans un corps de femme. Revlon eut un frisson qui n'avait rien à voir avec les mots qu'Ish était en train de prononcer. Il se tourna vers elle alors qu'elle acceptait de l'accompagner au gala puisque même si ça ne ressemblait pas à une invitation officielle, il fallait avouer que ça en était proche. 

Elle ne regardait plus dans sa direction, elle avait l'air contrariée, mais Revlon avait toujours été mauvais pour déchiffrer ses pairs. « Très bien. » conclut-il. « Je passerais te chercher à vingt heures. » Il remballa ses affaires dans son sac à dos et se leva pour ramasser le carnet qu'elle avait balancé, il passa sa main dessus tout en se posant devant elle. Elle le regardait de nouveau et il ne pu s'empêcher de dire : « Essaie de t'apprêter mieux que ça. » Il fut tenter de rajouter qu'elle ne ressemblait à rien, mais alors le mensonge ne passerait pas. Elle devait passer des heures devant la glace. « As-tu besoin d'un chauffeur pour rentrer? » demanda t-il pour mettre fin à la conversation plus que comme une vraie question.

Dans le fond, Ish, si elle refusait de se fiancer et de se prononcer pour le moment, c’était parce qu’elle était persuadée de pouvoir s’en sortir seule, d’être assez forte pour tenir tête aux autres familles et capable de se mêler à la vie de la noblesse. Ish, ce n’était pas une poupée que l’on pouvait manipuler (excepté si l’on s’appelait « géniteurs »), en dépit de l’éducation reçue, il s’agissait d’une femme forte, froide, inaccessible et hautement caractérielle. Elle aimait faire mal aux autres, avant qu’on puisse l’atteindre en personne, parce que ce serait une honte à ses yeux que de se savoir comprise et vulnérable. Ainsi, il n’était pas étonnant d’apprendre qu’Ishbel n’avait jamais eu d’amis proches ou d’épaule sur laquelle se reposer. La brune gardait tout, contenait chaque émotion et était dans un contrôle du plus complet, maniant avec une main de maître une ribambelle de masques, tous plus impeccables les uns des autres. Pour autant, Ishbel n’était pas une forteresse impénétrable et au-delà de ses grands airs, il suffisait de se pencher un tantinet pour s’apercevoir que la réplique de Revlon l’avait mit en rogne. Il lui était difficile de savoir que ses parents préféraient les enfants des autres à sa propre personne, qu’ils apportaient plus d’attention à ces toquards plutôt qu’à elle. Une semelle posée dans le hall d’entrée et les reproches fusaient déjà : jamais Ishbel n’avait entendu de compliments de leur part, victime indirecte des tensions régnant au sein du couple. Chacun regrettait l’union avec l’autre, ils étaient parfois déçus d’avoir eu Ishbel (les oreilles qui traînaient, elle en avait appris des belles, Ish). Et, chaque fois, lorsqu’ils étaient mentionnés, elle se revoyait en train d’étouffer ses sanglots, sous ses draps, le cœur brisé de ne s’être jamais sentie aimée, désirée. Alors, Ishbel osait penser qu’un mariage lui permettrait de s’éloigner d’eux, de vivre ailleurs, sans les avoir sur le dos, sans avoir à subir leurs cris permanents. Peut-être que ce serait avec Revlon, peut-être que ce serait avec Blair, mais dans tous les cas, ce serait avec un homme qui la répugnait et qui ne lui donnait pas envie d’aller plus loin. Exigeante et tempétueuse, Ishbel, elle détestait les hommes, les mettait tous dans la même case et Revlon n’y échappait pas : elle ne l’aimait pas, ne le portait pas dans son cœur, mais tant qu’elle pouvait le malmener, Ishbel se ferait un malin plaisir de le faire. C’était en partie pour cette raison que la Princesse ne déclinait pas son invitation et qu’elle se contentait d’acquiescer du visage, l’esprit qui vaquait déjà vers les tenues qu’elle pourrait porter pour cette soirée. Des coquetteries qu’Ishbel adorait et la petite ne pouvait pas s’empêcher de soupirer en l’entendant critiquer son apparence. « Venant d’un toquard, je ne m’attendais pas à mieux. » Qu’elle pestait en jetant sa tignasse épaisse en arrière, bien qu’un rire passait la frontière de ses lèvres. Ensuite, Ishbel se redressait en claquant ses talons au sol. Allure impériale. « Oui, ramène-moi chez moi. » Et elle le méprisait du regard, Ish, avançant désormais, les bras croisés contre sa poitrine.

La jeune héritière avait le don d'être agaçante. Revlon se souvenait encore du surnom qu'il lui avait attribué quand ils étaient enfants et qu'ils devaient s'efforcer de passer du temps ensemble pour faire plaisir à leurs parents. Princesse Relou à cette époque-là elle parlait et se tenait comme une reine et elle avait la fâcheuse tendance à embêter le blondinet. Les choses ne changeaient jamais vraiment même en grandissant, mais de princesse, elle était devenue reine et de simplement agaçante, elle était devenue une véritable garce. Reine des garces, un surnom qu'elle pouvait porter sans problème personne ne viendrait se demander l'origine de cette création. Il se dit qu'il avait mérité l'insulte après tout c'est lui qui avait commencé, mais elle avait quand même jeté ses travaux à terre comme si c'était un vulgaire chewing-gum collé sur la semelle de ses chaussures. Revlon passait la majorité de son temps à gribouiller ses idées dans ce carnet et il n'avait toujours pas digéré qu'elle le balance comme ça. Revlon était peut-être de glace, mais il n'était pas un affreux connard, il respectait les autres du moins il s'efforçait de faire croire que c'était le cas, mais Ish n'en avait clairement rien à faire. « Oui, ramène-moi chez moi. » dit-elle en lui jetant un regard mauvais comme s'il venait encore de l'insulter alors qu'il lui proposait son aide. Du moins, par politesse. Il n'avait pas envie de ramener la gamine chez elle, elle vivait à Old Monroe ce qui était à plus de quinze minutes de route de la faculté et il ne se voyait vraiment pas partager un aussi long trajet avec elle. Mais, il n'avait plus le choix, il s'était coincé lui-même en pensant qu'elle lui dirait qu'elle pouvait se débrouiller ou qu'elle l'envoie balader un sourire méprisant collé au visage, mais il n'en fut rien. 

Il lâcha un grognement inaudible alors qu'elle le dépassait pour se diriger vers le parking, les poings tellement serrés que s'il avait eu les ongles longs, il se serait entaillé les paumes. Il finit par lui emboîter le pas. Pourquoi faisait-elle comme si elle savait où ils allaient alors qu'elle n'avait aucune idée de la voiture qu'il avait prise pour venir jusqu'ici. Il s'arrêta devant sa Rolls-Royce noire, un bijou à presque un million qu'il devrait mettre en vente s'il n'épousait pas madame casse-pieds. Il fit le tour du véhicule pour lui ouvrir la portière côté passager prenant soin de ne pas la regarder alors qu'elle s'asseyait. 

Il s'installa sur le siège du conducteur et jeta négligemment son sac à l'arrière avant de démarrer. « Tu vis toujours chez tes parents, n'est-ce pas? » demanda t-il même s'il connaissait déjà la réponse à sa question. Il s'engagea sur la route quand son téléphone qu'il avait laissé traîner sur le tableau de bord vibra en temps normal il l'aurait attrapé pour jeter un œil, mais il ne voulait pas risquer de provoquer un accident si quelqu'un était assis avec lui dans la voiture. Son téléphone ne cessa pourtant pas de sonner, et il se demandait ce qu'Eden pouvait bien vouloir. Il n'y avait que lui pour le harceler comme ça, ou sa mère. Le cellulaire tomba devant les pieds de l'héritière, Revlon pivota légèrement vers elle. « Tu pourrais te pencher pour le ramasser, tu ne crois pas? » Bordel, c'était quoi son problème? Il faisait déjà un effort considérable là. Il ne voyait pas comment se montrer plus aimable. Si elle ne l'aidait pas, il n'y arriverait jamais. Il ne pourrait pas jouer les amoureux, même pas un petit peu ce serait beaucoup trop lui demander.

Ishbel, elle avait l’air méprisant lorsqu’il lui proposait de la ramener. Elle aurait pu refuser, l’insulter, mais ce serait se débarrasser trop facilement d’elle, du démon qui trônait sur une épaule, défiant sans arrêt le petit ange peinant à se faire une place. Il lui offrait une distraction des plus plaisantes, Revlon. À en juger le sourire mauvais qui étirait ses lèvres en se redressant, elle prenait le chemin du parking, légèrement devant. Suis-moi, je dirige. Elle était terrible, la petite, avec ses airs impériaux et sa silhouette frêle qu’un coup de vent trop virulent pouvait briser. Ish, elle savait bien quelle était la voiture de Revlon et la voir si propre, si neuve, ça lui donnait des envies : saccager ce bijou, pour le simple plaisir de le mettre hors de lui, de briser la glace, de l’entendre l’incendier, lui crier ses vérités. Ce n’était pas le plus facile à saisir, à comprendre, Revlon, mais pour autant, cela amusait la gamine, qui venait écraser sa semelle carmin, son talon aiguille contre un des pneus, le pressant, sans le lâcher du regard. Ce serait dommage que son pied dévie et finisse par rayer la peinture scintillante, non ? Pénible Ishbel et ses caprices de gamine oubliée, névrosée, à le regarder perdre patience, à tester ses limites pour qu’il révèle ce qu’il cachait. Parce que la belle était persuadée qu’il dissimulait quelques détails sous ce masque impassible, au même titre que sa propre personne. Dans ce monde, les apparences formaient un tout, sans elles, la descente aux enfers était assurée. Ça, Ishbel l’avait bien compris, en vue de ces nombreuses familles souhaitant détrôner la sienne, désireuses de voir s’éteindre la fille tyrannique, qui déstabilisait, traumatisait les petites gamines de riches. Elle était cruelle, Ishbel, insensible au malheur et à la détresse des autres puisque son seul intérêt résidait en sa propre personne. À ce titre, il n’était pas déstabilisant de voir la petite mépriser Revlon lorsqu’il lui tenait la porte, bien éduqué, mais elle le haïssait suffisamment pour lui compliquer la vie. À croire que haïr était plus facile qu’aimer. Le regard rivé sur la route qui défilait, ses doigts déposés contre ses jambes, elle sentait la tension palpable, l’air qui manquait presque tant l’atmosphère était étouffante. Mais il y eut ce téléphone qui vibrait et ses mirettes qui se détournaient d’un coup vers le visage de Revlon. « N’y penses même pas. » Trop jeune, trop belle, pour mourir dans un accident, c’était le genre de détails qui la mettait en rogne, Ishbel. L’inconscience de se concentrer sur quelque chose d’autre alors que l’on conduisait, ça lui faisait peur, la tétanisait. Ça lui pesait sur la conscience, elle se tendait, la gamine, les ongles se resserrant contre les lanières de son sac de créateur. Elle fut satisfaite de le voir s’échouer à ses pieds et de l’entendre râler. Pour l’atteindre, il devrait se baisser, prendre le risque de se manger un coup de pied s’il effleurait sa peau. Alors, Ishbel le faisait attendre quelques secondes, tournant son visage vers le sien en souriant : moqueuse, provocatrice. « Sinon quoi, Revie ? » Qu’elle murmurait, la bouche plein de vices et de pics en tout genre. Puis, lorsque la jolie se décidait à se baisser, elle tendait son bras dehors et laissait tomber l’objet de technologie, un rire enfantin passant la frontière de ses lippes en voyant le téléphone se briser contre le sol, en pleine vitesse. « Oh mince, qu’est-ce que je suis maladroite ! » S’exclamait Ishbel en passant une main sur sa bouche, mimant un faux air outré, sans cesser de rire, de se moquer, la mauvaise, les mirettes rivées dans celles de Revlon. Énerve-toi, Rev. Fais-moi plaisir. Hurle-moi dessus, j’attends que ça.

Il n'avait pas l'intention de vérifier ses messages alors qu'il était en train de conduire, mais le fait qu'elle lui ordonne de ne pas y penser ne fut qu'il ne put pas s'empêcher d'en mourir d'envie. Elle pouvait bien mener son petit monde à la baguette si elle voulait, mais Revlon n'était pas un pantin qu'elle pourrait manipuler à sa guise. Et s'ils devaient bel et bien se marier alors elle allait vite devoir apprendre qu'elle n'aurait aucune autorité sur le blondinet. Il prit donc sur lui pour ne pas se pencher et ramasser le cellulaire qui continuait de vibrer furieusement. Il ne prouverait rien en les tuant tous les deux dans un accident de la route. Elle finit par s'abaisser pour ramasser le téléphone et Revlon fut sur le point de la remercier quand la gamine fit passer sa main par la fenêtre l'objet à la main. Il fronça les sourcils jetant des regards tantôt sur elle, tantôt sur la route. « Je peux savoir ce que t'es en train de foutre? » demanda t-il alors qu'elle lâchait un rire, quand sa main se posa de nouveau sur ses genoux, elle était vide. « La reine des salopes. C'est ce que t'es, t'es au courant? Putain ! » il cria en donnant un grand coup sur le volant, la voiture dérapa de quelques centimètres, mais il maîtrisait ce qu'elle ne pouvait pas savoir. Il vit son visage se tendre légèrement. 

Il avait les jointures des mains blanches à force de les serrer, il jeta un dernier coup d'oeil dans le rétroviseur du milieu, mais il ne fallait pas penser à récupérer le téléphone, une autre bagnole devait déjà avoir roulé dessus. Revlon jura une nouvelle fois ne se cachant même plus, il était dans une colère noire, comment pouvait-on se comporter d'une telle manière? Il abhorrait l'immaturité et Ishbel n'était qu'une gamine capricieuse que ses parents auraient dû prendre la peine de mieux éduquer. Peut-être se trouvait-elle drôle? En tout cas, elle avait l'air de sacrément s'amuser. D'abord le carnet ensuite son téléphone, mais pour qui le prenait-elle? Dans sa rage, il avait fortement accéléré l'allure. Il conduisait à cent dix sur une route qui demandait quatre-vingts. Il eut une drôle d'idée quelque chose qui ne lui aurait jamais traversé l'esprit en temps normal, mais il avait besoin de se défouler et de donner une bonne leçon à la gamine qui était assise à côté de lui. 

Il bifurqua sur une autre route qui éloignait légèrement de leur destination les deux héritiers. Elle le remarquerait tout de suite, mais il s'en fichait complètement, celle-ci était moins fréquentée et il put se permettre d'accélérer sans risquer un accident, du moins les probabilités étaient maigres. Cent dix passèrent à cent quarante, puis cent soixante. Il avait les yeux rivés sur le bitume qui défilait devant lui. « J'espère que tu as ta ceinture. » dit-il en appuyant plus fort encore sur la pédale bientôt ils furent lancés à deux cent quinze, Revlon ne pouvait pas pousser cette voiture trop loin et il en était malheureux. La colère qu'il ressentait s'était transformé en adrénaline, l'effet de la vitesse sur lui le rendait euphorique, il se sentait invincible. Même pour les gens qui appréciait la vitesse, il allait à une allure déraisonnable, il le savait. Il jeta un oeil dans le rétro et en s'assurant qu'il n'y avait toujours personne ni derrière ni devant eux, il freina brusquement. Sans sa ceinture, il aurait traversé le pare brise et l'héritière aurait gît a coté de lui comme une vulgaire poupée de chiffon. Mais il était bien attaché, il sentit même la ceinture lui scier le torse alors qu'elle s'enfonçait dans sa peau, il aurait sûrement une marque pendant des jours. Il ferma les yeux et lâcha le volant, il posa l'arrière de son crâne contre son siège. Il souriait.

Le bras tendu dehors et son regard noisette se posait sur le visage teinté d’incompréhension de Revlon. Il découvrait peu à peu à qui il avait affaire et ce n’était pas de tout repos avec Ishbel. Ishbel et ses enfantillages, Ishbel et son inconscience, Ishbel et ses excès en tout genre : elle ne savait pas faire dans la demi-mesure, des résidus d’une éducation trop extrême, d’une enfance excessive. Alors, lorsque le téléphone glissait d’entre ses doigts et qu’il s’écrasait sur la chaussée, elle eut un rire, Ish, en le voyant briser, puis se faire écraser par d’autres véhicules. Ça lui apprendra, qu’elle pensait, démesurée dans la vengeance et les actions odieuses que la poupée commettait. Un ongle coincé entre ses quenottes et ses lippes, elle admirait la réaction colérique de Revlon : son air tendu, ses phalanges serrées autour du volant et les veines en relief sur sa nuque. L’insulte qui perlait ne faisait qu’accentuer son sourire et ses yeux se fermaient lentement, la chevelure qui virevoltait au rythme de la brise extérieure, du vent pénétrant dans l’habitacle du véhicule. La tension s’intensifiait et Ishbel pensait en terminer ainsi, dans un silence de mort, jusqu’à chez elle, mais le plan fut différent. Revlon déviait de la route principale pour emprunter un chemin moins fréquenté, plus instable. Ses doigts se resserraient contre la portière, l’incompréhension se lisait sur son visage. « Qu’est-ce que tu fais ? » Il y avait son cœur qui battait plus fort dans sa poitrine, ses mains qui devenaient moites en lisant la rage sur le visage de Revlon. « Arrête-toi s’il te plaît. » Qu’elle demandait en baissant son regard sur le tableau de bord : la vitesse augmentait et augmentait. Avec la rapidité de la voiture, son dos était collé au siège et sa ceinture tendue, de manière à la maintenir. Elle avait peur, Ishbel, les yeux qui s’humidifiaient et ses yeux qui se fermaient brutalement, si fort qu’elle voyait des couleurs. Le temps passait et Ishbel s’était mise à pleurer, terrifiée, tout bonnement outrée par ce qui venait de se passer. Sa souffrance prit fin avec le coup de frein brutal qui la scotchait un peu plus dans son siège. Son cœur tambourinait dans sa poitrine et elle eut envie de vomir, Ish, après avoir réouvert ses yeux. Elle était en larmes, la petite, le corps tétanisé. L’on voyait ses doigts crispés et l’on entendait son souffle coupé qui peinait à retrouver contenance, tandis qu’elle chialait, la belle, elle fondait en larmes, un goût acide en bouche. Après quelques minutes, Ishbel finissait par ouvrir la portière et sortait dehors en urgence, faisait quelques pas avant de se pencher pour vomir. Oh non, elle ne se sentait pas bien et cela se voyait à son teint blafard. Elle finissait par s’asseoir sur le bord de la route, les coudes appuyés sur ses genoux, les paupières fermées. Ishbel suait et tremblait, secouée par ce changement de vitesse, accompagné d’un freinage brusque : cela venait de lui retourner l’estomac. Elle se sentait mal et dans le fond, c’était amplement mérité après son comportement. Il méritait qu’elle vomisse dans sa voiture.

« Qu’est-ce que tu fais ? » demanda t-elle alors qu'il accélérait de plus en plus, la panique dans sa voix rendit l'impression que la voiture allait encore plus vite et s'il avait été quelqu'un d'un peu plus expressif, il aurait rit. « Arrête-toi s’il te plaît. » il entendit pour la première fois dans la bouche de la jeune femme un ton légèrement suppliant, mais il ne pouvait plus s'arrêter. Il ne le faisait plus uniquement pour se venger, il s'était laissé complètement emporté. Il le réalisa quand il freina brusquement et qu'il ne regarda même pas dans sa direction pour voir la tête qu'elle faisait. Il inspira profondément et expira doucement, il lui fallait le temps de reprendre ses esprits. Puis quand il se sentit de nouveau normal, il se pencha pour ramasser le sac à main de l'héritière, la plupart de ses affaires étaient éparpillées sur le sol, mais il mit très vite la main sur son téléphone. Un petit sourire vint troubler la sérénité de son faciès, il ouvrit sa portière et la claqua en sortant pour qu'elle s'attende à son arrivée.

Elle était assise par terre, il ne l'avait jamais vu dans une telle position et il devait avouer être assez content de lui, il aurait aimé ressentir de la culpabilité après tout elle pleurait. Sauf qu'il s'agissait d'Ishbel et il savait qu'elle lui rendrait ce qu'il venait de faire au centuple quand elle se serait remise de ses émotions peut-être pas aujourd'hui, peut-être pas demain, mais assez vite pour qu'il déchante de sa maigre victoire. Il savourait donc cet instant de gloire, il s'annonça en raclant la gorge. Elle tremblait et il ne put s'empêcher de se demander si elle ne surjouait pas un peu, peut-être pensait-elle qu'il s'excuserait? Elle pouvait bien rêver.

Il jeta un œil dégoûté sur le côté en voyant qu'elle avait vomi, elle ne pouvait être si bonne comédienne. Elle finit par lever ses yeux brillants vers lui, le visage du garçon n'exprimait plus aucune émotion, il lui fit coucou de la main qui tenait son téléphone portable avant de le faire tomber au sol. La seconde d'après il levait son talon pour l'écraser, il ferma les yeux en sentant l'écran se briser, l'euphorie l'avait complètement gagné. Il poussa le cellulaire dorénavant inutilisable du bout de sa chaussure et sortit un mouchoir en tissu de sa poche qu'il tendit à la gamine. « Lève-toi, sèche tes larmes et monte dans la voiture. On est au milieu de la route. » dit-il de sa voix la plus autoritaire. Oh, elle pouvait refuser, mais alors elle devrait faire pas mal de kilomètres à pied et il était presque certain que plusieurs automobilistes s'arrêteraient pour lui demander combien elle prenait. Il ne l'attendit pas pour se glisser à nouveau dans le véhicule et allumer le contact, la voiture ronronnait comme si de rien était.

L’estomac acide et elle vomissait, Ishbel, les mains appuyées sur ses cuisses, veillant à ne pas se tâcher. Même dans ces moments où sa dignité s’envolait, comme un tas de poussière balayé par le vent, elle tentait de rester digne, la tête haute, en dépit de ses pieds enfoncés dans la merde. Alors, après avoir vomi ses tripes, elle se sentait affreusement mal, la gamine, se laissait tomber en arrière sur la croupe. En sueur, ses paumes tremblantes étaient plaquées sur ses tempes, son cœur battait à toute vitesse dans sa poitrine. Elle avait l’impression de mourir, de ressentir ce vide lorsque le paternel la cognait et lui ordonnait de souffrir en silence, lorsqu’il lui disait regretter sa venue sur cette terre maudite. Malgré tous ses efforts, ce n’était jamais assez pour eux et Ishbel, elle en subissait les conséquences, chaque détail jugé, puis sévèrement réprimé. La tête coincée entre ses paumes et le corps tremblant, son esprit tourmenté pensait déjà à la punition qu’elle recevrait face au retard prit. Si Revlon n’avait pas dévié de route pour lui faire payer son geste immature, ils seraient rentrés à l’heure et peut-être que sa peau ne brûlerait pas. Peut-être que si, finalement, parce qu’il trouvait toujours quelque chose à redire, le Papa McNeil. Ainsi, il lui était compliqué de retrouver ses esprits, lorsque la peur et l’appréhension commençaient à l’envahir. Son attention fut ensuite captivée par Revlon qui sortait du véhicule et qui infligeait un sort terrible à son téléphone portable. L’objet de technologie contre le sol, écrasé, Ishbel le regardait, dépitée : parce qu’elle s’en fichait, en un claquement de doigt, l’identique siégerait dans sa paume, bien que des constellations viendraient égayer son épiderme laiteux, à n’en pas douter. Elle se contentait de le regarder, de son regard larmoyant et de tendre le bras, récupérant les cartes mémoires du portable. Au moins, c’était ça de sauvegarder. Quant au téléphone, Ishbel l’attrapait et le lançait dans le fossé, totalement détruit, mais qu’importe. Sa seule envie était de rentrer, alors la Princesse s’installait à l’intérieur du véhicule, le visage appuyé contre son poing durant tout le trajet. Elle faisait la gueule, la petite, préoccupée par ce qui l’attendait chez elle. Après de longues minutes de trajet, ses paupières s’étaient fermées, jusqu’à arriver devant l’immense bâtisse des McNeil. À ce titre, ses yeux s’ouvraient et elle fut parcourue d’un frisson désagréable, ses prunelles qui se posaient sur Revlon affichaient une drôle d’expression : la peur. « Merci. » Qu’elle se contentait de dire, tandis que sa croupe royale s’éclipsait du véhicule, en même temps que ses parents qui sortaient. Tout sourire, ils saluaient le futur fiancé d’une main et Ishbel se faisait toute petite, en disparaissant, consciente que le plus dur n’allait pas tarder à arriver.