never gonna give you up, never gonna let you down (fiona)

Il a décroché à la première sonnerie, comme si il l’attendait cet appel. Simplement voir son nom s’afficher sur l’écran de son smartphone et ne pas s’autoriser une seule seconde de réflexion. Pas de nouvelles depuis des mois, il l’a presque cru morte, même si ce n’est pas la première fois qu’elle disparaît dans la nature. Ca n’a jamais duré aussi longtemps, ces poses, ces silences. Elle l’a habitué à ce traitement sadique. Il repense souvent aux moments qu’ils ont passé ensemble et se demande ce qu’il a foiré pour qu’elle décide de le fuir de la sorte, pourquoi ça n’a pas fonctionné. Il y croyait, comme il y croit toujours et plus les semaines passaient, les mois, plus il s’est persuadé que c’était enfin la bonne. Que le vent avait tourné, la chance tout sourire. Dare s’est trompé.
Il est rapide à s’habiller, il n’a jamais sauté aussi vite dans son pantalon et prend le premier t-shirt qui lui passe sous la main, l’enfile sans réfléchir, la main droite attrape les clefs de la voiture, la gauche son gilet. Il a probablement oublié d’éteindre sa lampe de chevet, sans doute n’a t-il même pas fermé la véranda, en pilote automatique il se visse sur le siège conducteur et démarre. Fiona l’a appellé. Et, au son de sa voix, il devine qu’elle a beaucoup bu, qu’elle n’est pas en état de rentrer toute seule et qu’il est hors de question qu’un autre se charge de le faire à sa place. Il ne fait pas confiance à ses amis. Il se croit meilleurs qu’eux, Dare, et il sait d’une certaine manière qu’il est quelqu’un de bon. Qu’il n’a pas tort sur toute la ligne. Il est si bon qu’au final, c’est lui qui est seul maintenant. Si bon qu’après un an de relation avec ses hauts et ses bas, elle a préféré baisser les bras alors qu’il l’aurait amenée au bout du monde. Si bon qu’il y retourne, quitte à tendre la joue pour se faire frapper, avec l’espoir de chopper un baiser volé au passage. Il refait le monde avec des et si et espère encore des excuses et des remords, refuse de voir qu’ils se sont rencontré au mauvais moment. Dare ne devrait pas faire ça. Il devrait la laisser dans sa merde, assumer ses conneries, employer le vocabulaire grossier et exposer ses failles au monde après qu’elle l’ait prit pour un idiot. L’ex jaloux et enragé. Il n’a pas le coeur de le faire, il s’inquiète, se demande si elle est en train de vomir ses trippes ou si elle titube juste. Dare est sans doute le premier numéro de sa liste ou le seul qui a daigné répondre. Il conduit comme un fou, sans se soucier de la circulation et grille une priorité à un moment, avant de s’accrocher à son volant et se rappeller qu’avec sa chance, il risque d’avoir un accident et d’y passer. Ses yeux quittent la route de temps à autres pour regarder le gps. Comme il ne peut pas se garrer dans la rue du bar, il termine à pied. Les mains dans les poches avec sa veste sur les épaules qu’il retire dès qu’il aperçoit Fiona pour la lui tendre. « You okay ? » Il l’inspecte, tendu à l’idée de découvrir un bleu à la commissure de ses lèvres, le signe d’une maltraitance, mais elle a seulement cet air hébété et euphorique de ceux qui ont prit un verre de trop et il soupire, soulagé autant qu’il est vanné. Elle est belle comme au premier jour. « Fiona j’ai eu la trouille, qu’est-ce que tu fous là ? Tu es venue comment ? » Sa main sur son épaule, il l’invite à le suivre, loin de la musique qui fait trembler les murs et les cris de joie.


w/ @fiona adair

Ce n'est pas parce qu'il a conscient d'être idiot qu'il peut avoir une quelquonque influence là dessus. Dare s'enfonce, plutôt. Fronce les sourcils et garde ses mains contre son coeur pour ne pas subtiliser la cigarette entre ses lèvres et lui rappeller que le tabac est nocif. Il ne contrôle pas ses sentiments, ce serait comme essayer de construire une digue au beau millieu de l'océan. Il y a des choses indomptables, qu'on ne contrôle pas, qui nous contrôlent et nous font même croire qu'on a encore notre mot à dire. C'est à ce jeu là que joue son coeur, lui laissant entrevoir qu'il a fait son deuil avant de lui balancer aux visages leur vécu. Avec, tout ce qu'il a pu éprouver à son égard, toutes les petites attentions qui font grincer des dents autant qu'elles font soupirer de contentement. Il la prend dans ses bras et elle est si réelle qu'il a presque envie que tout ceci ne soit qu'un cauchemar dont il pourra se réveiller. L'inverse, ce serait admettre qu'il a vraiment fait tous ces kilomètres pour revoir quelqu'un qu'il ne devrait pas revoir, désobeïssant à sa règle d'or. Comme toutes les règles, elle existe pour la forme puis disparaît dans l'urgence. Il est bien trop loyal, bien trop obsedé par ce désir de plaire à tout le monde et surtout à Fiona. Encore aujourd'hui. D'être ce bon samaritain. Darell n'a pas envie qu'on se souvienne de lui comme celui qui ne pensait qu'à son nombril, on le rappellera plutôt comme celui qui a trop donné et s'est épuisé jusqu'au dernier souffle. Il soupire de soulagement, ressere ses doigts autour des siens. La nuit cache la rougeur sur la pointe de ses oreilles.

Il est tenté. Allez danser avec elle, c'est un souvenir immortel qu'il a gardé dans un coin de sa mémoire aussi net qu'une photographie. Il se souvient de tout, de l'intimité qu'ils ont eu, des caresses, des instants hors du temps. Ce qui lui manque, cette sensation que plus rien n'existe autour que son petit nuage d'euphorie. Il ne peut pas lui en vouloir, mais il devrait dire non pour son propre bien. « Tu es sure ? » Qu'il demande plutôt, pour ne pas la brusquer, dévoilant sa propre hésitation, si elle n'était pas déjà évidente de par la contradiction de ses gestes. Un pas en arrière mais un bond en avant. Elle va bien, qu'il se rassure. Incapable de lutter contre sa manie, ce désir de la protéger des autres et d'elle même, difficile de dire d'où vient la menace. (Juste une danse, juste un verre, il n'arrivera rien). Peu importe le choix qu'elle fera, il sera là. Il est toujours là, même quand elle ne le sait pas et que son corps n'est pas présent dans la même pièce. Par la pensée il la couve, lui envoie des prières avant d'aller se coucher, s'endort souvent avec son visage imprimé sous ses paupières. Il est difficile d'oublier un amour qui a duré aussi longtemps. Dare a au moins conscience de cela, n'essaye même pas de se le cacher. Toujours il y pense. Il ne lui a jamais avoué qu'elle a été une de ses relations les plus stables. Il a le sentiment que l'effet n'aurait été que plus dévasteur pour eux deux. Pour lui, car ce serait finalement admettre qu'il ne fait pas certaines choses correctement. Pour elle, parce qu'elle n'a pas besoin d'être culpabilisée. Elle a fait son choix. La gorge noué et sèche, il tente une dernière fois de la raisonner. « Sinon, on peut aller chez moi. » Il vient de sortir du lit et la scène est surréaliste. Est-ce qu'il va vraiment se retrouver à l'inviter dans sa maison ? Ou est-ce qu'il va se retrouver embaumé par la musique, qui l'appelle déjà comme le chant des sirènes ? Il n'est plus son petit-ami, n'a plus le droit de danser avec elle comme il l'entend. Il ne sait pas comment il doit se comporter, sait en revanche qu'il ne supportera pas de la voir avec un autre, son opinion des types qui trainent dans ces soirées est basse. Alors quoi. Il propose pire. Il propose chez lui.


w/ @fiona adair

Il la suit dans le bar en jouant des coudes pour se faufiler dans la foule et ne pas la perdre de vue. Son regard s'accroche à sa forme, attiré par la lueur dans ses yeux et incapable de s'en détacher. Son organisme forcé d'assimilier ce qui lui arrive l'avertit d'un début de migraine, les lumières agressent sa rétine, les yeux habitués à l'obscurité. Il cligne des paupières et plisse les yeux, aveugle quelques secondes avant d'aperçevoir le haut de sa tête et de nager dans la marée humaine à la recherche de la divine sirène qui l'attire dans les tréfonds. Il se maudit déjà de céder sans faire d'histoire, sans même chercher à la retenir avec plus de fermeté. Il ne sait pas lui dire non. Ce n'est pas parce que c'est elle, c'est tout le monde, cette incapacité à refuser quelque chose par peur de décevoir. Il se sent obligé d'accepter, tout comme il s'est senti forcé de sourire et trinquer quand son patron lui a affirmé tout sourire que bientôt, ce serait lui le chef. Darell fait ce qu'il ne veut pas faire par générosité, par naïveté et la croit quand elle lui dit qu'il n'y aura rien de plus qu'un verre, qu'une dance, qu'une chanson. Pour lui faire plaisir, il lui accorde exactement ce qu'elle veut. Dire qu'il y a seulement une poignée de mois, c'était sa petite habitude. Tout faire pour voir son sourire, la satisfaire, son péché mignon. Tiré de son sommeil, il se retrouve assailli par la musique trop forte, bourdonnement dans ses oreiles, et la présence écrasante d'une bonne dizaine d'âme qui se dandine dans la sueur et les lumières tamisées. Pas les meilleurs conditions pour réfléchir et se rappeller qu'elle a déjà bu, qu'elle n'a pas besoin d'un dernier verre. Lui en revanche... L'ambiance fêtard le gagne, doucement mais surement et lorsqu'il arrive jusqu'au bar, il décide que ses efforts méritent récompense et commande un mojito. Peut importe ce qu'elle demande, il sort déjà le billet de sa poche et masse ses tempes. « On boit, au prochain morceau on danse si tu veux et après on s'en va. » Tentative d'assoier son autorité. Curieux de ce qu'elle s'imagine. Est-elle consciente qu'une fois chez lui, il risque de la pousser dans la bagnoire pour prendre une douche froide ou dans ses draps pour mettre fin à cette soirée infernale ? Sans intentions cachées et même si c'était le cas, elle n'a pas tout son esprit. Il aurait trop l'impression d'abuser d'elle et profiter de sa faiblesse. « Si tu sens que ça tourne trop, tu me dis. » Inquiet, parce qu'il veut pas qu'elle vomisse ses trippes sur le sol. Il jette des regards furtifs autour d'eux dès qu'un mec semble vouloir accoster de trop prêt. « Ce serait quoi ta chanson parfaite ? » Il s'accoude au bar, partie gagnée pour Fiona, et cesse de chercher à s'enfuir par tous les moyens.


w/ @fiona adair