— La première chose qu’il avait fait après avoir lu l’invitation de Siobhan, c’est de froncer les sourcils. Une soirée au karaoké ? Avec lui ? Il a même cru un instant qu’elle s’était trompée de destinataire ou un truc du genre. Il a retourné la situation dans tout les sens, en pesant le pour et le contre, et puis finalement il en a eu marre, et il avait fini par accepter, en se disant que ça ne pourrait que lui faire du bien. Il regrette ensuite une seconde, parce qu’il sait qu’il chante comme un pied, et il n’a pas spécialement envie qu’on rigole de lui, mais tant pis ; c’est trop tard, et puis c’est vraiment pas poli de revenir sur une invitation. Il a déjà eu l’occasion de sortir avec elle, et il sait à quel point ils sont différents. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, au contraire même. Il à l’impression de se lâcher un peu plus quand il est à ses côtés, même si il n’est toujours pas le déglingo du coin, mais il fait des efforts en tout cas.
Après une douche rapide, il enfile ses vêtements ; un simple slim et une chemise blanche feront l’affaire pour ce soir. Il attrape ses affaires, et il part aussitôt, pour ne pas arriver en retard et faire attendre la blonde. C’est une sale habitude qu’il a depuis toujours, d’arriver au moins une vingtaine de minutes en avance. Ça lui laisse le temps de découvrir les lieux, et de s’acclimater un peu avant qu’on le rejoigne. Son trajet est relativement court, il ne voit pas passer les arrêts de bus, trop absorbé par sa musique. Il vérifie l’heure, et il se dit qu’il ferait mieux de rentrer pour garder une table bien placée. Il se retrouve donc vite assis, devant un tas d’inconnus bruyants. Il commande à boire, pour passer le temps, et il sourit amusé quand une fille ouvre le bas. Il ne se moque pas des grands gestes qu’elle fait, il est juste admiratif. Il sait qu’il serait incapable de bouger comme elle devant des visages qu’il ne connait pas, et ce n’est peut-être pas grand-chose, mais il aimerait avoir cette assurance. Il n’est concentré qu’à moitié, parce qu’il cherche Siobhan des yeux, en sirotant son diabolo grenadine. Quand il l’aperçoit enfin, il lève, le bras pour qu’elle le remarque, à moitié debout « Salut ! » et il lui fait un petit coucou, un fin sourire aux lèvres. Il ne sait pas vraiment ce que cette soirée va donner, mais il a hâte. « Je sait pas que t’aimes mais je t’ai pris un coca ? Enfin si t’aimes pas on peut changer hein. » il allait presque s’excuser de ne pas être sûr de lui, mais à la place il se redresse, et il se frotte un peu les mains, « Comment ça va ? »
— Le rouge termine de dessiner ses lèvres. Ce soir, la reine des glaces sort de sa tannière. Pas de soirée mondaines. Pas de galas. Juste une sortie pour se changer les idées. Siobhan a besoin de décompresser. Son père rentre de voyage dans quelques jours. Comme à chaque fois, les mêmes questions passeront ses lèvres. Comment se passe tes études ? Il parait qu’il y a des rumeurs sur ton couple avec Mac ? Quand est-ce que tu auras la bague ? N’oublie pas mon cœur, un homme fait des erreurs. Des erreurs. Mac en faisait c’était certains. Se taper la première greluche que lui faisait du rentre dedans, il savait faire. La jalousie de S’ était incommensurable. Mais c’était le fardeau d’une vie dans la haute. Pas de titre bien sûr, mais à quoi cela sert si on a l’argent qu’il faut ?
Voilà pourquoi le sms était parti. Voilà pourquoi, Storm allait encore une fois se rendre compte de sa vie. Le brun, elle l’appréciait vraiment. Coincé certes, mais intéressant. Sio était le genre de personne à se donner pour mission de lui montrer qu’il ne fallait pas se prendre la tête. Jamais. Le karaoké, c’était son idée. Aussi parce que si Mac l’apprenait, il reconnaitrait le nom du bar dans lequel il avait frappé le dernier qui avait osé s’approcher d’elle. Une petite vengeance personnelle. Son chauffeur la déposa devant le bar en question. Les yeux chocolats admirèrent la devanture alors qu’elle défroissait sa robe fluide d’un coup de main. Chacune de ses apparitions devaient la montrer sous son meilleur jour. La moindre photo d’elle circulant devait être parfaite. Passant finalement la porte, son regard se porta sur Storm agitant sa main. « Hey toi ! » souffla-t-elle avant de l’embrasser sur la joue comme chaque fois qu’elle croisait un ami. « Non c’est parfait. L’alcool n’aide pas à garder les idées claires. » lâcha-t-elle avec un clin d’œil. Sans compter que la dernière fois qu’elle avait abusé, elle avait bien vite regretté. L’arrivée de son père également l’en empêchait, il se ferait un malin plaisir à lui rappeler les apparences qu’elle devait garder. « Mon père rentre dans quelques jours. Je vais encore avoir le droit à ses déblatérations sur ce qu’il veut que je fasse. Mais parles moi de toi, comment tu vas ? « demanda-t-elle comme pour vite chasser le sujet.
— Il est presque soulagé quand elle le rejoint enfin. Il avait l’impression que tout le monde le reluquait, en se demandant pourquoi quelqu’un viendra au karaoké tout seul. Il se rend bien compte que c’est absurde, que personne ne le regarde, au contraire, il doit même être invisible tant il est discret, mais ses pensées prennent le pas sur sa raison. Il laisse les lèvres de la blonde claquer contre sa joue, et il sourit en coin, en hochant la tête, bien content de ne pas s’être trompé sur la boisson, « J’ai pas envie de tomber en allant sur scène alors ouais… je tourne au diabolo grenadine. » la vérité c’est qu’il tient tellement mal l’alcool qu’il pourrait être bourré avec un seul verre, et puis il n’aime pas tellement la sensation que procurent ces boissons. Il pose son menton contre la paume de sa main pendant qu’elle parle, et il est presque désolé pour elle. Il connait la pression familiale, et il ne la souhaite à personne. Les deux ne sont pas à plaindre c’est vrai, mais avoir des parents qui osent poser un tas de questions intrusives, et qui pensent mieux savoir que leurs enfants, c’est juste fatiguant. « Oh. Ça veut dire qu’on va se voir plus souvent, pour que tu puisses l’éviter ? » il pouffe gentiment, parce qu’à sa place, il ferait tout pour fuir ses géniteurs. Il les aime, ce n’est pas le propos, mais c’est juste qu’il est plus tranquille quand ils se tiennent loin de lui. Et puis elle lui demande de parler de lui, et il a une seconde de panique. Parler de lui ? Il ne fait pas grand-chose de ses journées, et il n’estime pas être l’homme le plus intéressant du monde, alors il hausse un peu les épaules, en bafouillant, « Bah… pas grand-chose, enfin j’ai peint des trucs, mais je suis pas certain que les toiles valent grand choses. En tout cas je suis en train de faire une série, c’est un peu long, mais je prends mon temps. Je te montrerais à l’occasion si ça te dit. » éternel insatisfait, il ne trouvera jamais son travail à la hauteur, peu importe ce qu’on peut lui dire. Il change vite de sujet, parce qu’il n’a franchement pas envie de l’embêter avec ses états d’âmes. Il boit une petite gorgée à la paille, et il pose ses mains à plat sur la table, comme pour se donner un peu de consistance, « Bon tu chantes quoi ce soir ? » il prend bien soin de ne pas s’inclure dans la partie, parce qu’il n’est plus trop sûr de pouvoir le faire. La salle se remplit peu à peu, et le simple fait de s’imaginer se tenir debout devant tout le monde lui donne des fourmis dans les jambes. Le chant ça n’a jamais été son truc d’ailleurs. Ses parents l’avaient inscrit dans une chorale, pour rajouter une compétence à son palmarès, mais manque de chance, il à réussi à se faire virer gentiment. Il chante sous sa douche, et encore, pas trop fort pour ne déranger personne, alors c'est pour dire.
— Léger rire à la réflexion du brun, Sio ne peut s’empêcher de se laisser quelque peu aller. Avec Storm, pas besoin d’artifices. Même s’il ne sait pas tout de son mal-être, il est différent, innocent. Le genre de personnes qui ne connait pas les magouilles que l’argent amène à faire. Quelques fois, Siobhan se demande si leur relation ne va pas finir à cause d’une chose qu’elle ferait pour se protéger. Cette vie d’apparence ne plait pas à tout le monde te il est clair qu’à plusieurs reprises, elle y a laissé des plumes. « Je te porterais si ce n’est que ça. » lâcha-t-elle simplement. Mais dans le fond, elle préférait qu’il en soit ainsi. Aussi bien pour elle que pour lui. Révélation sur son père fait, la réflexion de son ami la fit sourire. Comme chaque fois, elle l’évitera au maximum. Un diner obligatoire à son arrivée. Un gala pour une cause dont il donnera un chèque. Un vernissage à la galerie pour le bonheur familial. Puis il repartira. Comme à chaque fois. Siobhan ne connaissait pas le fait d’aller au parc avec son géniteur pour donner à manger aux canards du lac, elle ne connaissait pas ce que c’était que de le voir à sa remise de diplôme, de le voir fière à un spectacle de danse. Jamais il n’était présent. Sa mère quant à elle passait son temps à lui dire ce qu’elle devait faire. Pas cette tenue. Ces chaussures sont moches. Ce nouveau projet doit représenter toute sa vie. Aucune positivité. « A part les quelques obligations auxquelles je devrais me soumettre, je vais tout faire pour ne pas être avec lui. Si tu veux je peux même te servir de modèle, une toile qui demanderait plusieurs jours de travail, avec des heures de pauses tu vois ? » lâcha-t-elle en sirotant son coca.
Arquant un sourcil à sa réponse, la blonde croisa les bras. Comme toujours, Storm devait avoir l’impression qu’il n’avait rien à raconter. Comme à chaque fois qu’il devait parler de lui-même. Siobhan savait que tout le monde ne pouvait être comme elle, à étaler sa vie. Cependant elle trouvait dommage de se renfermer comme il pouvait le faire. « Bien sûr que ça me dit ! Tu sais que j’adore ton travail et je suis sûr que c’est magnifique. Il faut que tu prennes confiance, tes toiles sont toutes magnifiques. » lâcha-t-elle pour le rassurer. Siobhan n’a jamais caché son admiration pour son talent. C’était bien pour ça qu’elle adorait voir ce qu’il faisait et qu’elle faisait toujours tout pour que ses toiles soient dans des galeries. S savait que ce n’était pas simple de gagner sa vie en étant artiste alors elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour l’aider quand c’était nécessaire. Sourire sur ses lèvres alors qu’il lui demandait finalement ce qu’elle allait chanter. Sourcil arqué, regard taquin, elle reposa doucement son verre. « Je ne sais pas la même que toi. » lâcha-t-elle avec un clin d’œil. « Tu as une préférence du coup où tu me laisses choisir pour nous deux ? » acheva-t-elle en riant doucement.
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